Le traduitdu

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Cette chronique conclue celle du blogue précédent.

Le traduitdu rĂ©sulte d’une traduction mimĂ©tique. C’est du rĂ©chauffĂ©. Il est plus gĂ©nĂ©rique et moins caricatural que le franglais, le fragnol ou le spanglish.

Les hyperliens ci-dessous pointent vers de courtes chroniques portant sur la question ou apportant un complément d’information.

L’astérisque précède une formulation fautive.

Voici donc quelques-uns des principaux facteurs qui concourent au traduitdu.

  • Le tic du dĂ©ictique. On doit, pour y remĂ©dier, faire du dĂ©lestage ou recourir Ă  un article indĂ©fini.
    • I saw this great movie.  J’ai vu un film fantastique.
  • La majusculite aiguĂ«. Il serait casse-cou d’abuser du haut de casse.
    • A Computer Technology Dictionary. Un dictionnaire d’informatique.
      • Par contre, quand il s’agit du titre de l’ouvrage, ce sera le Dictionnaire d’informatique.
  • Le tandem zeugme et anacoluthe.
    • *Monter et descendre du bus. (zeugme ou zeugma)
      • Devient : Monter dans le bus puis en redescendre.
    • *Dans l’attente de vos nouvelles, veuillez agrĂ©er, Messieurs, nos salutations distinguĂ©es. (anacoluthe ; ce mot est d’ailleurs un des jurons prĂ©fĂ©rĂ© du capitaine Haddock)
      • Devient : Dans l’attente de vos nouvelles, nous vous prions d’agrĂ©er, Messieurs, nos salutations distinguĂ©es.
  • L’effacement de certains idiomatismes pronominaux.
    • Wash your hands and comb your hair. *Lavez vos mains et peignez vos cheveux.
      • Devient : Lavez-vous les mains et peignez-vous les cheveux. (Coiffez-vous)
  • La typographie mimĂ©tique. Il convient d’utiliser les protocoles de typographie propres Ă  la langue d’arrivĂ©e.  Songer donc Ă  substituer des guillemets chevrons (« ») aux guillemets anglais. Remplacer les apostrophes droites (dites dactylographiques) par des apostrophes courbes (dites typographiques ou traditionnelles). MĂ©nager des espaces insĂ©cables lorsqu’ils sont de mise.
  • Le et causal (dit fausse coordination). En français, la conjonction de coordination et constitue un synonyme du mot plus. Elle n’a pas valeur causale. Elle cèdera sa place Ă  des formulations plus prĂ©cises.
    • Divide and conquer. Diviser pour rĂ©gner.
  • Le mot avec, pris dans un sens large, Ă  l’anglaise.
    • *Avec ces intempĂ©ries, le concert sera annulĂ©.
      • Devient : Ă€ cause de, Compte tenu de ces intempĂ©ries, le concert sera annulĂ©.
  • La gaucherie de certaines formes de fĂ©minisation. Le français est une langue genrĂ©e. Pour ĂŞtre inclusif, il faut parfois songer Ă  employer des Ă©picènes, des collectifs et d’autres adaptations quand cela Ă©vite des pirouettes typographiques ou lexicales (comme l’étrange pronom personnel iel).
    • *Les Ă©tudiants et les Ă©tudiantes, *Les Ă©tudiant(e)s, *Les Ă©tudiant.e.s
      • Devient : La classe (ou, au besoin, Le corps Ă©tudiant)
    • *Les voyageurs et voyageuses
      • Devient : les touristes
    • *Les salariĂ©s et salariĂ©es
      • Devient : Le personnel (ou : Les membres du personnel)
  • La carence de procĂ©dĂ©s rhĂ©toriques. Quand on traduit de l’anglais, on oublie de recourir Ă  la nĂ©gativation ou Ă  la fausse interrogation (fausse question). C’est malheureux, car ce sont lĂ  deux procĂ©dĂ©s dont la valeur rhĂ©torique est bien connue et qui, Ă  la clĂ©, produisent une formulation des plus idiomatiques.
    • I agree.  Je ne dirais pas non.
    • Let’s do it. Pourquoi ne pas le faire ? Pourquoi pas ?  
    • Hold the line. Ne quittez pas.
  • La confusion des rapports logiques. On doit viser le terme juste, ce qui prĂ©suppose une comprĂ©hension rigoureuse du texte ; de la sorte, on tiendra compte des Ă©carts de sens et de certaines asymĂ©tries dans le dĂ©coupage de la rĂ©alitĂ©.

Voir https://ottiaq.org/app/uploads/2020/01/rapports-logiques.pdf

  • La structure ordinale Ă  l’anglaise. Faire preuve de logique. En effet, comment pourrait-on ĂŞtre Ă  la fois troisième et plus grand ?
    • Germany is our third largest partner. L’Allemagne constitue notre troisième partenaire commercial (on pourrait rajouter en importance).
  • Les anglicismes, appel des sirènes. Règle gĂ©nĂ©rale, on Ă©vitera les deux extrĂŞmes, c’est-Ă -dire l’hypercorrection (purisme) tout comme l’effet de mode (laxisme). On se mĂ©fiera des faux-amis, ainsi que des usages en transition et anglicismes de frĂ©quence. Consulter la source ci-dessous pour une prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e de quatorze catĂ©gories d’anglicismes.

Voir https://ottiaq.org/app/uploads/2019/10/franglophonie.pdf

  • La passivite. Il serait judicieux de changer de voie. On a l’embarras du choix : l’actif, l’infinitif, l’impĂ©ratif, le nominal, le pronominal, l’indĂ©fini. Et, s’il le faut, le pronom on, qu’on qualifie Ă  tort de « pronom imbĂ©cile Â». Certes, Ă  petites doses, le passif demeure pratique, surtout dans le domaine technique ou scientifique, lĂ  oĂą l’identitĂ© prĂ©cise de l’agent humain ou mĂ©canique n’importe guère.
    • Key should be turned clockwise. Vous tournerez la clĂ© vers la droite, tourner la clé…, tournez la clé…, rotation de la clé…, la clĂ© se tourne…, il faut tourner la clé…, on doit tourner la clé…
  • L’omission des charnières ou bien leur mauvais ancrage dans la phrase. Songer Ă  rĂ©tablir un certain nombre de charnières puis Ă  les ramener, de temps en temps, en tĂŞte de phrase. Il en va de mĂŞme des circonstancielles.
    • We cannot operate without food. L’estomac vide (ou Ă€ jeun), on ne peut vraiment fonctionner. (DĂ©placement facultatif)
  • L’abus de l’animisme. L’animisme existe en français, mais il reste plus courant en anglais. Il prendra, dans bien des cas, une allure un peu familière.
    • *Le document parle de traduction.
      • Devient : Le document traite de traduction, porte sur la traduction.
  • Le tutoiement intempestif, dans des textes administratifs, techniques ou scientifiques. Opter pour le vous ou pour d’autres formulations, comme le on ou la forme impersonnelle.
  • L’omission des titres de civilitĂ© (M., Mme, Dr, Me, etc.).
    • Smith disagreed.  M. (ou Mme) Smith a exprimĂ© son dĂ©saccord.
      • Par contre, Trudeau dĂ©clarait que… Churchill affirmait que… McCartney joue sur une basse Hofner.
  • L’emploi familier du prĂ©nom. Remplacer lĂ  aussi par le nom de famille, prĂ©cĂ©dĂ© du titre de civilitĂ©.
    • John stated that… M. Smith a dĂ©clarĂ© que…
      • Par contre, on dira que C’est bien John qui a Ă©crit cette ballade. Il s’agit des Beatles, après tout !
  • Le comparatif elliptique (alias faux comparatif). Plusieurs choix idiomatiques s’offrent ici.
    • Greater Montreal.  Le Grand MontrĂ©al, le MontrĂ©al mĂ©tropolitain, l’agglomĂ©ration montrĂ©alaise, la conurbation montrĂ©alaise.

Toutes les solutions proposées ici sont à manier avec parcimonie. Elles ajouteront à l’idiomaticité et au naturel, donc à la transparence du texte.

Sans aller jusqu’à l’hypertraduction, sachons éviter le traduitdu, les mimétismes et les réflexes morphosymétriques, qui restent la marque d’une traduction expéditive.

Nous ne sommes pas lĂ  pour perroqueter mais pour traduire.

Chronique de Carlos del Burgo, terminologue agréé et traducteur agréé

Lire les chroniques de termino. INDEX CUMULATIF

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