Le pavillon à la tête de mort, more and more            

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Qui aurait cru que, en 2024, les actes de piraterie en mer existeraient encore?

Pourtant, dans le golfe d’Aden, des brigands somaliens font couler de l’encre et du sang. Et, tout récemment, dans le détroit de Bab-el-Mandeb et en mer Rouge, se signalent les houthis du Yémen, dont les actes de violence se succèdent à l’endroit des marines marchandes.

Des raids sont menés sous forme d’abordages par des nuées de petites embarcations rapides, ou sous forme d’attaques de missiles et de groupes d’assaillants héliportés visant des bâtiments civils. Cette situation nécessite une protection par les marines militaires (française, canadienne, américaine et britannique).

Pour la petite histoire, ces anachronismes rappellent des métiers d’un autre temps : pirates, corsaires, flibustiers, boucaniers, et autres forbans, frères de la côte et écumeurs des mers.

Palsambleu, le grand Barbe-Rouge porterait-il aujourd’hui une barbe d’extrémiste, pour revenir barber et barbeler, d’un pied de nez kalachnikovien, toutes les marines du monde libre? Marines dont la liberté ne consisterait plus qu’à interrompre leur traversée ou à naviguer impérativement sous escorte militaire (aviation, bâtiments de surface, etc.).

Faisons un zoom arrière parallèle à cette régression guerrière. Un petit pas vers hier.

Dans le domaine de la piraterie, certaines appellations sont génériques, tels écumeur, écumeur des mers, frères de la côte, forban et pirate, et se parent de divers degrés de péjoration et d’ambiguïté.

D’autres seront précises, comme boucanier, flibustier et corsaire.

Il existe cependant un flou artistique dans ces trois derniers « corps de métier ».

On sait que le boucanier (buccaneer en anglais) dérive de « boucane » (gril de bois), vu que le mot désignait, à l’origine, un chasseur de bœuf sauvage dans les Caraïbes, chasseur qui s’est ensuite reconverti à la piraterie, spécialité plus payante que le barbecue.

Le corsaire (corsair, privateer), lui, est un marin (voire le capitaine) d’un navire armé par des particuliers, bâtiment autorisé par le gouvernement à faire la chasse aux navires marchands ennemis.

Quant au flibustier, il sévit au large des Amériques, du XVIe au XVIIe siècle, et même jusqu’au XVIIIe siècle. Il pillait les possessions espagnoles. Ses équivalents anglais sont filibuster1 (rare), freebooter (rare) ou buccaneer (l’équivalant aussi de boucanier).

Dans le doute, marine oblige, on noiera le poisson en se rabattant sur le générique pirate, et ce, dans les deux langues.

Pour sa part (du gâteau), le mot forban est aussi péjoré que générique, puisqu’il désigne souvent des individus malhonnêtes, en mer comme sur le plancher des vaches (c’est le cas de le dire…) et quel que soit le modus operandi. C’est aujourd’hui un terme péjoratif, semblable à bandit ou malfrat. En anglais, on parlera de pirate ou bien de crook, selon le cas.

Sur les côtes de l’Afrique du Nord, le terme barbaresque désignait les corsaires ou pirates qui étaient actifs en Méditerranée aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Ces derniers, originaires de la région de la Barbarie, étaient des Maures ou des Sarrasins connus pour attaquer les navires européens dans le but de procéder à des pillages et à des captures d’esclaves.

Détail insolite : les frères de la côte (brethren, ou brethren of the coast), qui faisaient leur office dans l’Atlantique, les Caraïbes et le golfe du Mexique aux XVIIe et XVIIIe siècles, étaient bien souvent des huguenots français ou des protestants anglais. On comprend donc que leurs actions n’aient pas été très catholiques et que leurs méthodes étaient encore moins orthodoxes.

Petit clin d’œil historique, l’aéronavale US utilisait des chasseurs embarqués de type Corsair pendant la Deuxième Guerre mondiale; tandis que les porte-avions de la Royal Navy déployaient des avions d’attaque de type Buccaneer, depuis les années soixante et jusqu’aux années quatre-vingt-dix…

L’histoire se répète.

Sources : Robert, Antidote, Wikipédia et Wikipedia, Wiktionnaire et Wiktionary, Barbe-Rouge, Britannica

  1. En anglais moderne, filibuster désigne plutôt un discours marathonien que livre un politicien en Chambre s’il souhaite paralyser les débats. À Ottawa, le NPD avait tenu une telle séance, pendant 58 heures d’affilée, le 25 juin 2011, pour bloquer le projet de loi C-6. Les députés de ce parti s’étaient relayés au micro avec chacun un discours de 20 minutes, plus une période de questions de 10 minutes. La logorrhée du siècle!

Chronique de Carlos del Burgo, terminologue agréé et traducteur agréé

Lire les chroniques de termino (INDEX CUMULATIF)

 

 

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