Le traduitdu

Classé dans : Actualités, Chroniques de terminologie | 0

(chronique diptyque)

Le traduitdu résulte d’une traduction mimétique. C’est du réchauffé. Il est plus générique et moins caricatural que le franglais, le fragnol ou le spanglish.

Les hyperliens ci-dessous pointent vers de courtes chroniques portant sur la question ou apportant un complément d’information.

L’astérisque précède une formulation fautive.

Voici donc quelques-uns des principaux facteurs qui concourent au traduitdu.

  • La verbositĂ©, au sens premier du terme. Il faut donc, Ă  l’occasion, supprimer quelques verbes. Substantiver, nominaliser.
    • I love to walk and to run. J’adore la marche et la course.
  • La verbositĂ©, au sens second. C’est-Ă -dire la redite, la rĂ©pĂ©tition, la tautologie, la redondance et le plĂ©onasme. On doit alors Ă©laguer, fluidiser, redonner au texte un certain « sens de la phrase Â». Recourir Ă  l’entendement, utiliser des ellipses, faire bon usage des pronoms personnels. Éviter les longueurs inutiles.
  • L’abus de verbes ternes, surtout le verbe « dire Â».

Voir https://ottiaq.org/app/uploads/2022/03/dire-et-redire_final.pdf

  • L’adverbomanie. Adverbe que pourra. L’adverbe français est nasal. Voire cacophonique, surtout quand il est servi en chapelet. La solution consiste souvent Ă  adjectiver.
    • To express one’s thoughts clearly, beautifully, convincingly. S’exprimer avec clartĂ©, Ă©lĂ©gance et conviction.
  • L’adjectif de relation, calquĂ© de l’anglais.
    • The postal employee. *L’employĂ© postal.
      • Devient : L’employĂ© des Postes. Par contre, il existe des cas d’hypallages acceptables en français. Le cortège prĂ©sidentiel. Tendre une main hĂ©sitante.
  • La surcaractĂ©risation issue d’une cascade de dĂ©terminants. C’est l’apport de prĂ©cisions superflues. On cherchera alors Ă  dĂ©lester.
    • The fish swam across the pond. Le poisson a traversĂ© l’étang. (Inutile de prĂ©ciser qu’il l’a traversĂ©Ă  la nage.)
    • In London, England, it was really cold on this winter night. En cette soirĂ©e d’hiver, Londres Ă©tait glaciale.
  • L’omniprĂ©sence des unitĂ©s de mesure anglo-saxonnes. Y aller d’unitĂ©s du système international, en alternance ou en exclusivitĂ©. Veiller Ă  leur emploi judicieux. Convertir en arrondissant si la situation le permet. Se mĂ©fier de « dĂ©cade Â» et « dĂ©cennie Â». Distinguer les distances verticales des distances horizontales.
    • I live in a suburb some 10 miles from Calgary, where I have dozens of friends. J’habite une banlieue Ă  15 kilomètres de Calgary, oĂą j’ai des dizaines d’amis.
      • On dira toutefois une douzaine d’œufs, de gâteaux, de bouteilles, etc.
    • I met them two decades ago. Je les ai connus il y a vingt ans (il y a une vingtaine d’annĂ©es).
    • The Sixties were a great decade. J’ai adorĂ© les annĂ©es 60.
    • Two decades ago, kids had longer hair. La gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente aimait les cheveux longs.
    • Le Bismarck repose par 4 800 m de fond Ă  quelque 1 100 km de Brest.

Voir https://ottiaq.org/app/uploads/2019/10/altitude-et-hauteur.pdf

  • La chiffromanie, usage systĂ©matique des chiffres arabes. Ils pourraient ĂŞtre remplacĂ©s, dans certains cas, par des chiffres romains ou par l’écriture en toutes lettres. PrĂ©fĂ©rer « XXsiècle Â» Ă  « 20siècle Â», mĂŞme si les deux graphies circulent. Par ailleurs, chacun d’entre nous utilise un seuil, Ă©minemment subjectif, marquant la transposition des lettres en chiffres. Pour certains, il s’agit de 17, pour d’autres, de 19, ailleurs, de 21… Solution : mettre l’accent sur la logique interne du texte. Lorsque les nombres ont valeur technique, quelle que soit leur ampleur, les exprimer en chiffres arabes (ou romains) ; sinon, en pleines lettres.
    • Il y a six jours, la Ve Division blindĂ©e dressait le bilan suivant : 2 blessĂ©s, 3 tuĂ©s, 5 prisonniers, 12 disparus.
      • Par contre,en tĂŞte de phrase, on gardera toujours l’écriture en toutes lettres. Deux blessĂ©s et 3 tuĂ©s seulement, un miracle!

Voir https://ottiaq.org/app/uploads/2023/02/majusculite-dans-les-chiffres-final.pdf

  • La confusion entre la règle n et la règle n-1. Le billion n’est parfois qu’un tout petit milliard… Les scientifiques recourent aux exposants pour exprimer ces grandes valeurs mathĂ©matiques. Les chiffres ne trompent pas…
    • The world’s population is 8 billion people. La population de la Terre est de 8 milliards d’âmes.

Voir https://ottiaq.org/app/uploads/2019/11/rgles-n-et-n-1.pdf

  • La possessivite. Celle-ci appelle une solution plutĂ´t simple : le recours Ă  l’article dĂ©fini.
    • He put his hat on his head. Il a mis son chapeau sur la tĂŞte. Ou : Il mit son chapeau.
  • Le tic du dĂ©ictique. On doit, pour y remĂ©dier, faire du dĂ©lestage ou recourir Ă  un article indĂ©fini.
    • I saw this great movie. J’ai vu un film fantastique.
  • La majusculite aiguĂ«. Il serait casse-cou d’abuser du haut de casse.
    • A Computer Technology Dictionary. Un dictionnaire d’informatique.
      • Par contre, quand il s’agit du titre de l’ouvrage, ce sera le Dictionnaire d’informatique.
  • Le tandem zeugme et anacoluthe.
    • *Monter et descendre du bus. (zeugme ou zeugma)
      • Devient : Monter dans le bus puis en redescendre.
    • *Dans l’attente de vos nouvelles, veuillez agrĂ©er, Messieurs, nos salutations distinguĂ©es. (anacoluthe; ce mot est d’ailleurs un des jurons prĂ©fĂ©rĂ©s du capitaine Haddock)
      • Devient : Dans l’attente de vos nouvelles, nous vous prions d’agrĂ©er, Messieurs, nos salutations distinguĂ©es.
  • L’effacement de certains idiomatismes pronominaux.
    • Wash your hands and comb your hair. *Lavez vos mains et peignez vos cheveux.
      • Devient : Lavez-vous les mains et peignez-vous les cheveux (coiffez-vous).
  • La typographie mimĂ©tique. Il convient d’utiliser les protocoles de typographie propres Ă  la langue d’arrivĂ©e. Songer donc Ă  substituer des guillemets chevrons (« Â») aux guillemets anglais. Remplacer les apostrophes droites (dites dactylographiques) par des apostrophes courbes (dites typographiques ou traditionnelles). MĂ©nager des espaces insĂ©cables lorsqu’ils sont de mise.
  • Le « et Â» causal (dit fausse coordination). En français, la conjonction de coordination « et Â» constitue un synonyme du mot « plus Â». Elle n’a pas valeur causale. Elle cĂ©dera sa place Ă  des formulations plus prĂ©cises.
    • Divide and conquer. Diviser pour rĂ©gner.
  • Le mot « avec Â», pris dans un sens large, Ă  l’anglaise.
    • *Avec ces intempĂ©ries, le concert sera annulĂ©.
      • Devient : Ă€ cause de, Compte tenu de ces intempĂ©ries, le concert sera annulĂ©.
  • La gaucherie de certaines formes de fĂ©minisation. Le français est une langue genrĂ©e. Pour ĂŞtre inclusif, il faut parfois songer Ă  employer des Ă©picènes, des collectifs et d’autres adaptations quand cela Ă©vite des pirouettes typographiques ou lexicales (comme l’étrange pronom personnel « iel Â»).
    • *Les Ă©tudiants et les Ă©tudiantes, *Les Ă©tudiant(e)s, *Les Ă©tudiant.e.s
      • Devient : La classe (ou, au besoin : Le corps Ă©tudiant)
    • *Les voyageurs et voyageuses
      • Devient : les touristes
    • *Les salariĂ©s et salariĂ©es
      • Devient : Le personnel (ou : Les membres du personnel)
  • La carence de procĂ©dĂ©s rhĂ©toriques. Quand on traduit de l’anglais, on oublie de recourir Ă  la nĂ©gativation ou Ă  la fausse interrogation (fausse question). C’est malheureux, car ce sont lĂ  deux procĂ©dĂ©s dont la valeur rhĂ©torique est bien connue et qui, Ă  la clĂ©, produisent une formulation des plus idiomatiques.
    • I agree. Je ne dirais pas non.
    • Let’s do it. Pourquoi ne pas le faire? Pourquoi pas?
    • Hold the line. Ne quittez pas.
  • La confusion des rapports logiques. On doit viser le terme juste, ce qui prĂ©suppose une comprĂ©hension rigoureuse du texte; de la sorte, on tiendra compte des Ă©carts de sens et de certaines asymĂ©tries dans le dĂ©coupage de la rĂ©alitĂ©.

Voir https://ottiaq.org/app/uploads/2020/01/rapports-logiques.pdf

  • La structure ordinale Ă  l’anglaise. Faire preuve de logique. En effet, comment pourrait-on ĂŞtre Ă  la fois troisième et plus grand?
    • Germany is our third largest partner. L’Allemagne constitue notre troisième partenaire commercial (on pourrait rajouter en importance).
  • Les anglicismes, appel des sirènes. Règle gĂ©nĂ©rale, on Ă©vitera les deux extrĂŞmes, c’est-Ă -dire l’hypercorrection (purisme) tout comme l’effet de mode (laxisme). On se mĂ©fiera des faux-amis, ainsi que des usages en transition et anglicismes de frĂ©quence. Consulter la source ci-dessous pour une prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e de quatorze catĂ©gories d’anglicismes.

Voir https://ottiaq.org/app/uploads/2019/10/franglophonie.pdf

  • La passivite. Il serait judicieux de changer de voie et de voix. On a l’embarras du choix : l’actif, l’infinitif, l’impĂ©ratif, le nominal, le pronominal, l’indĂ©fini. Et, s’il le faut, le pronom « on Â», qu’on qualifie Ă  tort de « pronom imbĂ©cile Â». Certes, Ă  petites doses, le passif demeure pratique, surtout dans le domaine technique ou scientifique, lĂ  oĂą l’identitĂ© prĂ©cise de l’agent humain ou mĂ©canique n’importe guère.
    • Key should be turned clockwise. Vous tournerez la clĂ© vers la droite, tourner la clé…, tournez la clé…, rotation de la clé…, la clĂ© se tourne…, il faut tourner la clé…, on doit tourner la clé…
  • L’omission des charnières ou bien leur mauvais ancrage dans la phrase. Songer Ă  rĂ©tablir un certain nombre de charnières puis Ă  les ramener, de temps en temps, en tĂŞte de phrase. Il en va de mĂŞme des circonstancielles.
    • We cannot operate without food. L’estomac vide (ou Ă€ jeun), on ne peut vraiment fonctionner. (DĂ©placement facultatif)
  • L’abus de l’animisme. L’animisme existe en français, mais il reste plus courant en anglais. Il prendra, dans bien des cas, une allure un peu familière.
    • *Le document parle de traduction.
      • Devient : Le document traite de traduction, porte sur la traduction.
  • Le tutoiement intempestif, dans des textes administratifs, techniques ou scientifiques. Opter pour le « vous Â» ou pour d’autres formulations, comme le « on Â» ou la forme impersonnelle.
  • L’omission des titres de civilitĂ© (M., Mme, Dr, Me, etc.).
    • Smith disagreed. M. (ou Mme) Smith a exprimĂ© son dĂ©saccord.
      • Par contre, Trudeau dĂ©clarait que… Churchill affirmait que… McCartney joue sur une basse Hofner.
  • L’emploi familier du prĂ©nom. Remplacer lĂ  aussi par le nom de famille, prĂ©cĂ©dĂ© du titre de civilitĂ©.
    • John stated that… M. Smith a dĂ©clarĂ© que…
      • Par contre, on dira que C’est bien John qui a Ă©crit cette ballade. Il s’agit des Beatles, après tout!
  • Le comparatif elliptique (alias faux comparatif). Plusieurs choix idiomatiques s’offrent ici.
    • Greater Montreal. Le Grand MontrĂ©al, le MontrĂ©al mĂ©tropolitain, l’agglomĂ©ration montrĂ©alaise, la conurbation montrĂ©alaise.

Toutes les solutions proposées ici sont à manier avec parcimonie. Elles ajouteront à l’idiomaticité et au naturel, donc à la transparence du texte.

Sans aller jusqu’à l’hypertraduction, sachons éviter le traduitdu, les mimétismes et les réflexes morphosymétriques, qui restent la marque d’une traduction expéditive.

Nous ne sommes pas lĂ  pour perroqueter, mais pour traduire.

Chronique de Carlos del Burgo, terminologue agréé et traducteur agréé

Lire les chroniques de termino. INDEX CUMULATIF

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée.