Il y a, en certains termes, un regain de vitalité qui surprend, et suspend le vol du temps.
On connaît le backgammon et son appellation française, le jacquet. C’est un jeu vénérable, démodé en Occident, mais vivace au Levant. Cela dit, dans la langue de Molière, on l’appelle aujourd’hui trictrac. Avec ce mot, on se trouve à voyager dans le temps et dans l’espace, tout en évitant le « traduitdu », mimétisme qui finirait par imposer des tics peu éthiques et non poétiques comme backgammon, remplacé avec bonheur, du tic au tac, par trictrac… (onomatopée décrivant le bruit sec des pions qu’on claque sur le tablier de jeu, sans trac et sans trique).
Restons francocentriques, comme disent les locuteurs du franbanais. Si l’on décide de jouer en fumant, on tétera du narguilé, alias narguileh – appellations persanes de la pipe à eau, dite aussi houka (mot indien) ou chicha (en arabe). Cette pipe consume du tombac (tabac non traité et non fermenté, qui peut être aromatisé). Certaines administrations publiques disposent d’ailleurs d’une « Régie des tabacs et tombacs ».
Enfin, il y a des anglicismes de fréquence, comme porte pris au sens de portière (automobile), qui finissent par s’autocorriger avec le temps. Ainsi, le Québec a su pondre et répondre par deux néologismes percutants : emportiérer et emportiérage (action de happer un cycliste en ouvrant la portière d’une auto stationnée, sans regarder dans le rétroviseur). L’anglais utilise le verbe to door (a cyclist was doored). Certes, *emporter et *emportage n’auraient pu être aussi… accrocheurs. Consolation : s’il s’en sort vivant, le cycliste lésé s’emportera et gratifiera l’automobiliste d’un chaleureux « Que le diable t’emporte ».
Autant en emporte le pan.
Chronique de Carlos del Burgo, terminologue agréé et traducteur agréé
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