(Voir les termes en italiques)
Certains médias alternatifs nous apprennent que Moscou a eu raison d’investir l’Ukraine, pays de fascistes et de russophobes. Mais, rares sont-ils à l’avoir vu venir, l’invasion de l’Ukraine en février 2022, elle qui était largement télégraphiée et théâtralisée des semaines à l’avance.
Aujourd’hui, on y affirme même que si les médias grand public l’ont prévue, cette guerre, c’est simplement parce qu’ils sont, au départ, anti-russes et anti-Poutine.
Un amour de logique qui frise l’humour noir. On rit jaune, mais ce n’est pas drone…
Au final, on voudrait nous faire croire que les médias grand public ont eu tort d’avoir raison, tandis que les médias alternatifs, eux, ont résolument raison d’avoir eu tort.
C’est retors, rotor, ce raisonnement qui tourne en rond.
Malgré tous leurs défauts, les médias grand public restent bien plus indépendants que ceux des régimes autoritaires ou dictatoriaux. Et ils ont le droit de la prédire, cette guerre.
Oui, da, prétendre le contraire constituerait une apologie de la censure. Témoin, les lois russes, qui interdisent, sous peine de prison, l’emploi du mot « guerre » pour désigner l’intervention militaire en Ukraine, préconisant plutôt la sibylline étiquette d’opération spéciale, opération qui dure depuis trois ans…
Pareil euphémisme constitue déni ubuesque d’une agression dantesque. Grotesque, car montrant ce qui est advenu des libertés d’opinion et de presse au Poutinistan.
Les faits sont là : le maître du Kremlin affiche un penchant soviétisant et revanchard. À preuve, ses guerres en Géorgie (république voisine démembrée, depuis la sécession de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud), puis en Ukraine, autre pays en voie de démembrement.
Sans parler de ses ingérences directes dans les affaires et les élections de la Roumanie, de la Moldavie, du Canada, de la France, des USA, de l’Afrique, et dans les couloirs aériens de l’Europe, ainsi qu’en haute mer, là où les câbles télécom se font étrangement sectionner près de cargos et pétroliers russes ou chinois naviguant sous pavillon de complaisance.
Faudrait-il détourner les yeux, se boucher les oreilles, se pincer le nez, au nom de lectures « alternatives » qui, sur fond d’Ukraine, affichent un négationnisme aux relents staliniens ?
Bien des médias alternatifs l’affirment : (1) nuls renforts nord-coréens n’ont été dépêchés en Ukraine ou en Russie ; (2) l’Ukraine ne pourra choisir ses destinées politiques et commerciales (l’Union européenne) tant que la Russie se sentira bernée et cernée par l’Otan ; (3) le maintien au pouvoir de Poutine, depuis un quart de siècle, est parfaitement légitime ; (4) le chef du Kremlin respecte pleinement l’opinion de son peuple ; (5) sa fortune personnelle, chiffrée à des milliards de dollars, n’est qu’un bobard de l’Occident ; (6) Poutine ne vise, en vérité, que le bien de l’humanité.
(Rappelons que, en russe, le mot « vérité » se dit Pravda…)
Cela étant, il faut l’admettre, les démocraties traditionnelles battent de l’aile. À preuve, la montée de radicalismes et de populismes dystopiques aux quatre coins de la planète.
Partout, naissent des mouvements démagos, style MAGA à gogo, MAGA de gagas.
MAGA teintés de climatoscepticisme et de vaccinoscepticisme. D’« antisepticisme » même, le grand blondinet prônant les injections de Lysol contre la COVID. (Sans blague !)
Aujourd’hui, à l’heure où des démocraties vacillent sous les coups de marteau et de faucille, ou sous les coups de bélier de l’extrême-droite, on s’interroge.
Et c’est précisément là qu’intervient le devoir de la mémoire.
Rappelons donc que l’Union soviétiques’était alliée à Hitler pour occuper la Pologne, en septembre 1939. En envahissant l’est polonais quelques jours après la déferlante nazie dans l’ouest du malheureux pays, l’URSS aura nettement contribué au déclenchement de la Deuxième Guerre et à la rapide propagation de ce conflit.
En fait, si le IIIe Reich ne s’était pas ensuite retourné contre l’URSS (opération Barbarossa), les troupes soviétiques camperaient toujours en sol polonais – comme elles l’ont d’ailleurs fait, dans un deuxième temps, derrière le rideau de fer, pendant le demi-siècle de guerre froide. La chape stalinienne s’est vite substituée à la dictature nazie.
Les médias « avertis » voudraient nous faire oublier l’imposition de la Grande famine (Holodomor), en 1932-1933, catastrophe artificielle provoquée par le Kremlin, qui avait fait 4 millions de morts en Ukraine. Puis, à compter du 5 mars 1940, le massacre de l’élite polonaise : 25 000 prisonniers, civils et militaires, assassinés dans la forêt de Katyn, crime de guerre russe imputé aux nazis, mais admis et reconnu par Gorbatchev en 1990. Et les purges en Russie contemporaine, y compris les affaires Navalny et Prigogine, entre autres opposants… qui défenestrés, qui empoisonnés, qui suicidés, qui désavionnisés.
Et que dire des 25 millions de Soviétiques que Staline aura rayés de la carte via les goulags ? Et du mur de Berlin, protégeant les Berlinois des miasmes de l’Occident ?
Quid de l’espionnite répressive caractérisant le glacis soviétique et qui décrit aussi bien le nouvel État russe ?
Doit-on oublier les remises au pas (de l’oie) ayant suivi l’insurrection de Budapest en 56 et le printemps de Prague en 68 ? Et la déréhabilitation actuelle des victimes de la terreur stalinienne ?
Plus récemment, le 14 novembre 2024, Moscou annonçait tambour battant la fermeture « temporaire » du Musée de l’histoire du goulag (pour « violations de la sécurité incendie »).
Tristement, la série s’allonge à l’heure où les mémoires s’atrophient, minées par le déni des grands séismes ayant ébranlé et défini le XXe siècle.
Certains se demanderont si une dictature « éclairée » serait préférable à une démocratie imparfaite ? Or, poser la question à Staline, Kim Jong-un et Poutine, ainsi qu’à leurs idiots utiles, c’est déjà y répondre… On semble revenir à la loi de la « junte », à la loi du « butor ».
Aujourd’hui, entre l’environnement qui dévisse, les démocraties qui subissent, plus une grande guerre en coulisses, nous vacillons au bord du gouffre.
Dans l’antre des nations, on vit l’impact du négationnisme, qui voudrait réécrire les preuves et épreuves de l’Histoire pour effacer les repères laissés par nos pères pour nos pairs.
À la longue, on s’y perd, dans les songes et les mensonges des gremlins du Kremlin.
Chronique de Carlos del Burgo, terminologue agréé et traducteur agréé
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