Onoiement

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Éternel dilemme du communicateur : tutoyer ou vouvoyer ?

« Tu me tutoies ? Tu me tues, toi… Tu te fourvoies…  Vouvoie-moi ! Â»

Faut-il tutoyer de parfaits inconnus ?  Cette tendance est bien Ă©tablie au QuĂ©bec. Ailleurs, le tu est rĂ©servĂ© Ă  des amis ou des proches, ainsi qu’à des enfants ou des ados (dans les bĂ©dĂ©s ou les instructions de jeux). Il ne resterait donc qu’à vouvoyer ?

Cela Ă©tant, Ă  l’écrit, on pourrait couper la poire en deux.  Ni tutoiement, broche Ă  foin, ni vouvoiement, s’il fait trop « bien Â». Recourons Ă  ce qu’on pourrait qualifier d’onoiement, l’emploi du on. Surtout quand l’anglais use du you thĂ©orique, absolu et impersonnel.

Voici une question digne d’un mode d’emploi pour boussole ou système GPS : What do you do when you are lost in the woods?  Suivent trois traductions, toutes correctes.

Option 1, style direct : Que fais-tu quand tu es perdu dans le bois ?

(Tutoiement familier, adressé à de jeunes scouts ou à des enfants. C’est un mode qui ferait un peu gras dans un contexte professionnel.)

Option 2, style formel : Que faites-vous quand vous ĂŞtes perdu dans le bois ?

(Vouvoiement poli et traditionnel. La graphie de perdu indique bien qu’il n’y a pas pluriel.)

Option 3, compromis stylistique : Que faire quand on est perdu dans le bois ?

(Ici, on a louvoyé, ondoyé, onoyé, usé du on pour noyer le poisson.)

Inversement, dans un tête-à-tête galant, Romeo pourrait lancer un hameçon à l’âme sœur, en l’invitant à cesser le vouvoiement, vu que ce pluriel est pour le moins singulier.

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Contrechiffre

Qui se contrefiche du contrechiffre s’expose à une contredanse pour contresens.

Dans certains contresens, oĂą le message rendu est diamĂ©tralement opposĂ© Ă  ce que fut et ce qui fit l’intention de l’auteur, les chiffres deviennent des chausse-trappes. Disons qu’un contresens tient aussi bien Ă  des contremots que des contrechiffres !

Il en va ainsi du latinisme anglais decade (dix ans), distinct du latinisme français dĂ©cade (dix jours). Ici, quand bien mĂŞme l’emploi de dĂ©cennie Ă©viterait un faux-ami, il constitue la paille qui cache la poutre. En effet, l’usage de dĂ©cennie â€“ qui, en soi, n’est nullement dĂ©cadant â€“ est bien plus courant en traduitdu qu’en français souche. Ce qui en fait un anglicisme de frĂ©quence…

On sait par ailleurs que le billion français (1012) est mille fois plus grand que le billion anglais (109)…

Et que, en dollars, deux cents (2 cents) est dix mille fois infĂ©rieur Ă  deux cents (200 $)…

Ou comment l’anglais dozen se traduit correctement par dizaine (sauf pour les œufs, pâtisseries, boissons et autres aliments souvent conditionnés par groupes de douze).

Évitons le quétaine. Donnons la juste couleur, et non pas des tons de guimauve.

Le repérage des dérapages passe par la distinction entre lots de douze et l’eau de rose.

Chronique de Carlos del Burgo, terminologue agréé et traducteur agréé

Lire les chroniques de termino. INDEX CUMULATIF

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