Avis de l’OTTIAQ sur l’intelligence artificielle en traduction

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L’avis sur l’intelligence artificielle (IA) en traduction présenté ci-après a été approuvé par le conseil d’administration de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ). L’OTTIAQ, dans sa mission de protection du public, pense qu’il est important pour tous de comprendre le potentiel, mais aussi les limites, de l’IA dans ses applications à la traduction, à l’interprétation et à la terminologie. Il encourage ses membres et le public à transmettre cette information et à suivre l’évolution des technologies pour en faire un usage éclairé.

Dans le cadre de ses activités, l’OTTIAQ est appelé à suivre attentivement l’évolution des technologies touchant les professions langagières afin de mieux encadrer la pratique de la traduction, de l’interprétation et de la terminologie. Or, ces technologies ont connu une évolution très rapide avec l’avènement de l’IA générative et des outils tels que ChatGPT. Le grand public a désormais à sa disposition des outils de traduction automatique qui peuvent être très efficaces, mais également très risqués. En sa qualité d’ordre professionnel régi par le Code des professions du Québec, l’OTTIAQ pense qu’il est de son devoir de s’adresser au public afin de l’informer sur les avantages et inconvénients des outils de traduction et d’interprétation automatiques offerts par différentes plateformes.

Ce qu’il faut savoir

La traduction est l’un des premiers champs d’application de l’IA. Ce que l’on a appelé la traduction automatique neuronale (TAN), parce qu’elle était fondée sur les systèmes de traitement neuronaux qui sont à la base de l’IA, est apparu sur le marché en 2016, bien avant les outils d’IA générative.

Les traducteurs professionnels, qui utilisaient déjà d’autres outils technologiques, ont rapidement intégré la TAN à leur panoplie, mais non sans mettre en place des processus de contrôle pour repérer et corriger les erreurs de la machine. Ils ont donc été des précurseurs dans l’adoption de ces technologies révolutionnaires.

L’avènement de l’IA générative n’a pas beaucoup modifié les processus. Elle a, en revanche, offert aux professionnels de nouveaux outils qui leur permettent d’améliorer leur prestation de service, notamment dans la recherche terminologique. Des recherches menées par des universités et par des entreprises ont cependant prouvé que les systèmes de traduction automatique dédiés donnent, à ce jour, un résultat plus précis et exact que les outils d’IA générative. Ces derniers traitent en effet le texte dans sa globalité et produisent une traduction parfois mieux écrite, mais pleine d’inexactitudes, voire d’inventions ou d’« hallucinations ». L’intervention d’un professionnel est d’autant plus indispensable.

Car si la traduction automatique peut être très utile pour des textes simples ou de nature générale, elle est beaucoup plus limitée dès que l’on aborde des documents de nature technique ou sensible, pouvant engendrer des préjudices graves d’ordre physique, mental, financier, juridique ou réputationnel s’ils sont mal traduits. De la même façon, si les applications d’interprétation automatique sont utiles pour tenir une conversation simple en voyage par exemple, elles ne peuvent remplacer un interprète professionnel à l’hôpital ou au tribunal.

Pour que le public soit bien protégé, il est essentiel que les systèmes de traduction ou d’interprétation automatique soient utilisés à bon escient, avec l’accompagnement d’un expert dès lors qu’il y a un risque.

Autres mises en garde

Facilement accessibles par le grand public, les outils de traduction automatique ou d’IA générative pour la traduction ou l’interprétation sont souvent présentés comme une panacée. Cependant, et au-delà des risques d’erreurs, une grande prudence s’impose, pour les raisons suivantes :

  • La confidentialité – Les moteurs de traduction automatique gratuits n’assurent aucune confidentialité des données que l’on y verse. Pire, ces données sont réutilisées pour entraîner la machine ou produire d’autres traductions. Les conditions d’utilisation de certaines applications grand public les plus utilisées précisent d’ailleurs que tout texte saisi dans le système est réutilisé.
  • La sécurité des renseignements – Les serveurs des outils grand public sont situés dans d’autres pays que le Canada. Les utiliser pour traiter des données confidentielles ou des renseignements personnels contrevient aux lois québécoises et canadiennes sur la protection de ces données.
  • La qualité – Les grands modèles de langage sont entraînés à partir de grands modèles de langage, c’est-à-dire de milliards de gigaoctets de données tirées des contenus publiés sur Internet. La machine retransmet par conséquent ce que l’on y a versé, avec les risques d’erreurs d’interprétation, sans compter le biais cognitif et culturel, les enjeux d’inclusion et l’appauvrissement de la langue par la réutilisation des sorties machine. Il ne faut jamais oublier que la machine ne pense pas. Seul l’humain peut apporter une conscience et une perspective multidimensionnelles.

Position de l’OTTIAQ

L’OTTIAQ accueille les nouvelles technologies et en recommande l’utilisation à ses membres, au bénéfice de leur clientèle. Cependant, il les enjoint à inclure ces outils dans un processus qui doit, dans tous les cas, comprendre au moins une étape de contrôle-qualité par un professionnel. L’OTTIAQ considère que c’est là le seul moyen pour eux d’assumer leur responsabilité professionnelle, d’honorer leur code de déontologie et d’assurer ainsi une protection adéquate du public.

Parallèlement, l’OTTIAQ met en garde le public contre une utilisation inconsidérée des outils de traduction automatique gratuits pour les raisons invoquées plus haut, et conseille vivement de faire appel à un professionnel dûment agréé pour une prestation consciencieuse et de qualité.

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